Leçon de droit d’auteur d’un enseignant à son établissement : quand créer ne signifie pas céder !

L’enseignant vacataire reste titulaire des droits d’auteur sur ses supports de formation, même créés dans l’exercice du service public.
Dans une décision (devenue définitive) rendue le 13 janvier 2025, le Tribunal judiciaire de Rennes a reconnu qu’un enseignant vacataire reste titulaire de ses droits d’auteur sur les œuvres créées par celui-ci pour les besoins du service public d’enseignement, à condition qu’elles aient été créées en totale indépendance.
Dans cette affaire, KEROSE défendait les intérêts d’un client, ayant exercé comme chargé d’enseignement vacataire auprès d’un établissement d’enseignement supérieur.
L’enseignant vacataire a accepté de concevoir trois supports de formation en partant d’une feuille blanche, afin d’assurer un enseignement de 24 heures par an pour le compte de l’établissement public de 2017 à 2021. Bien évidemment, l’enseignant vacataire n’a été rémunéré que pour les 24 heures pendant lesquelles la formation était dispensée aux élèves, alors qu’il avait passé près de 80 heures à la conception des supports.
En 2021, l’enseignant a souhaité mettre fin à ses vacations et en a informé l’établissement. Sans le prévenir ni même solliciter son autorisation, l’établissement s’est permis de reprendre les supports de formation écrits de l’enseignant, et les a transmis à son remplaçant.
L’article L.131-3-1 du Code de la propriété intellectuelle pose par principe que les droits d’exploitation des œuvres créées par un agent de l’Etat (ou d’une collectivité territoriale, ou d’un établissement public) dans l’exercice de ses fonctions sont, dès leur création, cédées de plein droit à l’Etat.
L’établissement a donc estimé que l’enseignant ne pouvait légitimement s’opposer à la réutilisation des supports de formation, dans la mesure où les droits d’exploitation lui auraient été cédés dès leur création.
Or, il est prévu une exception à ce principe à l’article L.111-1 alinéa 4 du CPI, lequel dispose que ce principe « ne [s’applique] pas aux agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique ».
Il résulte d’une analyse des débats parlementaires de 2006 au sujet de cette exception que le législateur visait certaines catégories d’agents restreintes, dont les enseignants du supérieur.
Quelques rares décisions ont pu faire application de cette exception depuis son entrée en vigueur en 2006 ; les juges écartant à chaque fois le bénéfice de celle-ci au détriment de l’enseignant (notamment vacataire).
L’indépendance des enseignants, des chercheurs et enseignants-chercheurs du supérieur est pourtant consacrée aux articles L.952-1 et suivants du Code de l’éducation ; les chargés d’enseignement vacataire (dont le statut est prévu par le décret n°87-889 du 29 octobre 1987) étant compris comme faisant partie de la catégorie des « enseignants ».
Le Tribunal a suivi le raisonnement du Cabinet KEROSE, estimant que le vacataire était resté titulaire de ses droits d’exploitation sur ses œuvres créées en totale indépendance, sans contrôle préalable ni instructions particulières de la part de l’établissement.
Le Tribunal a caractérisé les actes de contrefaçon et a condamné l’établissement à réparer le préjudice matériel et moral du vacataire, et a ordonné à l’établissement de cesser toute utilisation des œuvres.
Cette décision est une bonne nouvelle pour les enseignants du supérieur, et en particulier pour les vacataires qui exercent sous un statut précaire. Elle consacre l’investissement considérable que certains enseignants peuvent apporter à leurs supports de formation (et par extension à leurs étudiants), la plupart du temps sans aucune contrepartie de la part des établissements.
Du côté des établissements, il conviendra d’être vigilant en identifiant les supports de formation qu’ils souhaitent conserver pour les besoins de leurs missions d’enseignement, en concluant avec les enseignants auteurs une cession de droits de propriété intellectuelle en bonne et due forme, en respectant les article L. 131-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
En cas de litige relatif à un droit d’auteur, le Cabinet d’avocats KEROSE vous accompagne dans vos contentieux et pré-contentieux en matière de propriété intellectuelle afin de protéger efficacement vos droits et intérêts.
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