Deux icônes de la joaillerie, un trèfle à quatre feuilles… et des millions en jeu

Dans un arrêt du 5 mars 2025, la Cour de cassation rejette l’accusation de parasitisme portée par Van Cleef & Arpels contre Louis Vuitton, au cœur d’une querelle emblématique entre deux géants du luxe.
Dans le monde feutré mais concurrentiel de la haute joaillerie, rares sont les affrontements judiciaires entre grandes maisons de luxe. Pourtant, la maison Van Cleef & Arpels, par l’intermédiaire des sociétés Cartier et Richemont, a poursuivi Louis Vuitton pour parasitisme, l’accusant d’avoir copié sa célèbre collection de bijoux « Alhambra ».
Créée en 1968, la collection Alhambra est immédiatement reconnaissable par son trèfle quadrilobé en pierre semi-précieuse cerclée de métal précieux. Ce motif est devenu l’un des symboles forts de Van Cleef & Arpels, synonyme de raffinement et de porte-bonheur. En face, Louis Vuitton lançait en 2015 sa gamme « Color Blossom », reposant également sur un trèfle quadrilobé serti de pierres et de métal précieux.
Suffisant pour parler de copie ? Pas selon la Cour de cassation.
Le 5 mars 2025, la plus haute juridiction commerciale française a rejeté le pourvoi formé par Cartier et Richemont. Elle a estimé que, bien que les deux motifs puissent sembler proches, Louis Vuitton s’était inspiré de sa propre histoire : la fleur quadrilobée figure depuis 1896 sur sa toile Monogram, emblème historique de la marque. Selon la Cour, l’utilisation de ce motif sur des bijoux s’inscrit dans une logique de cohérence identitaire et d’adaptation aux tendances de la mode – non dans une volonté de s’approprier la notoriété de Van Cleef & Arpels.
L’élément clé du parasitisme, selon la jurisprudence, repose sur l’intention de se placer dans le « sillage » d’un concurrent, afin de tirer profit de ses efforts, de son savoir-faire ou de ses investissements. En l’espèce, les juges ont conclu à l’absence de cette intention, faute de preuve d’une volonté délibérée d’imiter la collection Alhambra.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence où la justice française montre une certaine prudence lorsqu’elle est appelée à trancher entre protection de la création et liberté du commerce. Elle rappelle qu’un motif, même iconique, ne confère pas à son auteur un monopole absolu.
Cela avait déjà été souligné dans des affaires similaires, comme le litige opposant Zara à Dior, ou encore Cartier à Saint Laurent, où les juges avaient aussi dû départager des arguments de prestige et de créativité.
Dans l’univers de la mode, les emprunts, réinterprétations et hommages sont fréquents.
Comme le souligne la doctrine, les grandes maisons ne se copient pas ; elles réinventent les formes en y imprimant leur propre signature. Reste à ne pas franchir la ligne qui sépare l’inspiration légitime du parasitisme fautif. Et dans cette affaire, le trèfle n’a pas porté chance à Van Cleef & Arpels.
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Crédit photo : Andrea Piacquadio