Les LBO dans le viseur des juges
Les initiateurs d’achat de société avec effet de levier (LBO) devront désormais apprécier la faisabilité d’une telle opération au regard de la position ferme de la Cour de Cassation affirmée dans un arrêt en date du 9 septembre 2020 ( Cass. com., 9 sept. 2020, n° 18-12.444, F-D : JurisData n° 2020-013143).
Rappelons que la Cour de Cassation a été saisie après qu’un arrêt de la Cour d’Appel de Nancy en date du 20 décembre 2017 ait fixé à la somme de 6 530 894 euros la contribution des dirigeants, dont l’investisseur financier Finadvance, pour faute de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif en application de l’article L 651-2 du Code de commerce.
En l’espèce, les dirigeants d’une SAS d’exploitation ont vu leur responsabilité engagée pour avoir proposé une distribution de dividendes à la société mère, créée dans le cadre de la reprise, plus de trois ans avant la liquidation judiciaire de la SAS distributrice.
Selon la Cour de Cassation, la distribution constitue une faute qui a « privé la société de réserves anciennes qui auraient pu être affectées …au règlement des dettes échues ».
Comme on le sait, les holdings de reprise dans la cadre de LBO n’ont pas d’autres ressources financières que les distributions opérées par les cibles et doivent percevoir des dividendes pour faire face à leurs engagements vis à vis de leurs créanciers bancaires senior, obligataires ou autres.
Nous tirons divers enseignements de cette jurisprudence :
- Il est déraisonnable de tendre l’effet de levier financier afin de maximiser le profit car plus la dette est élevée plus les dividendes nécessaires pour la rembourser sont importants ;
- Les professionnels du Private Equity privilégieront encore plus qu’avant les opérations portant sur des sociétés opérationnelles affichant des résultats solides et récurrents ;
- La position de la Cour de Cassation devrait inciter les investisseurs financiers à s’interroger sur la gouvernance des structures dans lesquelles ils investissent afin de ne pas être dirigeants de droit ou requalifiés en dirigeants de fait, laissant aux seuls dirigeants opérationnels le risque d’un comblement de passif.
Nous savions déjà qu’un LBO est risqué car il est construit sur la capacité, voire le pari, de la société cible à permettre à sa société mère de rembourser sa dette.
Jusqu’à présent, et à défaut de garantie personnelle des actionnaires et/ou des dirigeants, les professionnels du droit estimaient que ce risque était principalement porté par les créanciers sociaux de la holding qui ne donnait en garantie que les titres de la cible.
Dorénavant, tout LBO porte les germes d’une possible action en comblement de passif à la charge des dirigeants de la cible.