Les engagements éthiques et conformités dans un contrat commercial : du vent ? Rappel à la loi du contrat.
Depuis plusieurs années, les clauses et annexes contractuelles portant sur des engagements en matière de conformité et d’éthique se multiplient dans les contrats commerciaux.
Si ces engagements découlent parfois davantage d’une contrainte normative que d’une réelle conviction de l’entreprise qui l’impose à son partenaire, ils restent des engagements contractuels contraignants pour celui qui s’y oblige.
Le non-respect de ces engagements peut avoir des conséquences graves sur la continuité de la relation d’affaires.
La Cour d’appel de Paris le rappelle dans un arrêt récent du 24 mars 2021 [1] dans lequel elle est amenée à statuer sur des demandes indemnitaires d’un fournisseur, fondées sur la rupture brutale de la relation commerciale par son donneur d’ordre.
Dans cette affaire la relation entre les parties avait débuté en 2013 par une succession de contrats à durée déterminée auxquels était annexé un code éthique, imposant au fournisseur et à ses sous-traitants le respect de normes sociales nationales et internationales à l’égard de leurs salariés.
Un audit diligenté à l’initiative du donneur d’ordre en février 2018 auprès d’un sous-traitant a révélé de graves non-conformités au droit du travail.
En réaction, le donneur d’ordre a rompu sans préavis les relations commerciales avec son fournisseur le 9 mars 2018.
La Cour d’appel de Paris a qualifié les obligations contenues dans le code éthique comme étant « essentielles », de sorte que « la rupture des relations commerciales était prévisible pour [le fournisseur] qui, par ses manquements particulièrement graves au regard du contrat cadre liant les parties, a causé cette rupture qui est exempte de faute [du donneur d’ordre] ».
Cet arrêt n’est pas surprenant puisque la Cour de cassation avait déjà approuvé la Cour d’appel de Paris en 2019 face à une autre rupture sans préavis, en rapport avec un manquement à des engagements contractuels en matière de lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts [2]. Le non-respect de ces engagements constituait un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation commerciale sans préavis.
Les engagements éthiques et conformités dans les contrats commerciaux ne sont donc pas à prendre à la légère, d’autant que la tendance normative est à l’inflation des contraintes imposées aux entreprises : Loi sur le devoir de vigilance en matière sociale, environnementale et de gouvernance ; Loi Sapin 2 sur la lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts ; Règlement général sur la protection des données (RGPD)…
L’intégration de ces normes dans le champ contractuel implique fondamentalement la mise en place d’une gouvernance spécifique au sein de l’entreprise, un changement de culture qui nécessitent du temps et une réelle conviction de l’instance dirigeante.
[1] Cour d’appel de Paris, 24 mars 2021 n° 19/15565
[2] Cour de cassation, Commerciale, 20 novembre 2019, n° 18-12.817