Le processus de rachat par le dirigeant de son entreprise en liquidation judiciaire facilité
Depuis l’entrée en vigueur le 22 mai dernier de l’article 7 de l’ordonnance du 20 mai 20201, les conditions de cession d’une entreprise à son dirigeant dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire ont été assouplies.
Le texte prévoit, lorsque la cession envisagée est en mesure d’assurer le maintien d’emplois au sein de l’entreprise, que l’offre de rachat puisse être présentée directement au tribunal par le dirigeant lui-même, sans requête préalable du ministère public, comme c’était le cas auparavant.
En outre, l’article 7 permet de réduire les délais de procédure en ce que le délai de convocation des cocontractants ou des titulaires d’une sûreté dont les contrats ou les sûretés sont susceptibles d’être cédés, dans le cadre d’un plan de cession, est réduit à huit jours lorsqu’il était auparavant de quinze jours.
Mais c’est surtout le premier assouplissement qui fait débat aujourd’hui.
En effet, certains dénoncent un effet d’aubaine pour les dirigeants qui par la reprise facilitée de leur entreprise en liquidation judiciaire bénéficient d’un apurement du passif de la société2.
C’est l’exemple, notamment, de « la reprise d’Orchestra, où croulant sous une dette estimée à 650 millions d’euros, l’enseigne de prêt-à-porter pour enfants a vu l’offre de son fondateur, Pierre Mestre, être retenue par le tribunal de commerce de Montpellier. Alors qu’en face, l’offre concurrente, présentée par le saoudien Al Othaim, avait reçu le soutien du comité social et économique »3.
Le procédé est décrié, par ailleurs, puisqu’il créerait, selon d’autres, une rupture d’égalité dans l’accès à l’information par nature limité pour les candidats à la reprise extérieurs à la société par rapport au chef d’entreprise.
Toutefois, il ne faut pas surévaluer la portée de ces dispositions dont les critiques méritent d’être nuancées à plusieurs égards.
Premièrement, il s’agit d’une disposition dérogatoire et temporaire applicable seulement jusqu’au 31 décembre 2020, pour faire face au contexte exceptionnel de crise provoquée par l’épidémie de Covid-19.
Deuxièmement, dans son rapport au Président4, le gouvernement, conscient des déviances possibles, enjoint au tribunal ainsi qu’au ministère public de veiller à ce que le plan de cession ne soit pas seulement l’occasion, pour le débiteur, d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs en présentant lui-même, ou par personne interposée, une offre de reprise.
En outre, il est rappelé que l’appel du ministère public demeure suspensif.
Ainsi, les garde-fous prévus par les textes doivent permettre de répondre aux objectifs prioritaires que sont le maintien des emplois et le rétablissement de l’entreprise sur des bases saines par un dirigeant au fait des particularités de sa société.
1- Ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19.
2- « Entreprises en difficulté : le rachat par les dirigeants crée des remous » Les Echos, publié le 22 septembre 2020 – Marion Kindermans, Yann Duvert ».
3- « Entreprises en difficulté : le rachat par les dirigeants crée des remous » Les Echos, publié le 22 septembre 2020 – Marion Kindermans, Yann Duvert ».
4- Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19.