La cession d’un actif important d’une société dont les titres ont été apportés peut-elle mettre fin au report d’imposition des plus-values (150-0 B Ter du CGI) ?
Chaque année, de nombreux contribuables bénéficient du régime de report des plus-values prévu à l’article 150-0 B Ter du Code général des impôts.
Pour rappel, lorsqu’une personne physique apporte des titres qu’elle détient à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qu’elle contrôle, la plus-value constatée à cette occasion est placée de plein droit en report[1].
Le report expire toutefois lorsque survient l’un des quatre évènements prévus à cet article et notamment lors de « la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport » ou lors de « la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres apportés » si l’un de ces événements intervient dans les trois ans de l’apport[2].
La logique du report d’imposition est la suivante : la plus-value n’est pas imposée tant que le contribuable ne perçoit pas le prix des titres de la holding ou, pendant un délai de trois ans, tant que la holding ne perçoit pas le prix des titres de sa filiale[3].
Cette considération s’entend car l’apporteur ne bénéficie pas lors de l’apport de ressources pour financer l’impôt de plus-value, son apport en nature étant rémunéré par des titres.
Dès obtention d’une liquidité des titres de la société holding bénéficiaire de l’apport ou de ceux de la société dont les titres ont été apportés (si elle a lieu avant la troisième date anniversaire de l’apport), il est logique que la plus-value initialement mise en report soit imposée.
Rappelons toutefois que la loi ne met pas fin au report d’imposition de la plus-value si la holding bénéficiaire prend l’engagement de réinvestir dans les deux ans de l’opération au moins 60% du produit de cession des titres de sa filiale dans une activité éligible.
Mais qu’en est-il des opérations qui ne portent pas directement sur les titres apportés mais sur un actif important de la société filiale avant l’expiration du délai de trois ans ?
Par exemple, qu’en est-il d’une opération de cession de la totalité ou de la majorité des titres d’une filiale de la société dont les titres ont été apportés (soit la sous-filiale de la holding) ?
Ou encore qu’en est-il d’une opération emportant cession du fonds de commerce de la filiale ?
Ou plus généralement, de toute opération qui a pour effet de céder un élément d’actif clé ou de diminuer considérablement l’actif immobilisé de la société dont les titres ont été apportés ?
Faut-il considérer que ces opérations, parce qu’elles ne correspondent à aucune des quatre hypothèses légales de fin du report, sont sans risque ?
Faut-il au contraire se rattacher à l’esprit du texte fiscal et considérer que tout ce qui porte atteinte à l’actif de la filiale voire qui permet une distribution du cash obtenu en contrepartie de l’opération peut entrainer la remise en cause du report ?
Dès lors, faut-il considérer qu’il est impératif de procéder à un réinvestissement d’une partie du prix obtenu en contrepartie de l’opération ?
A défaut de mention expresse dans le texte de l’article 150-0 B Ter et de commentaires de l’administration fiscale sur ce point précis, il existe une zone grise d’incertitudes.
Les risques inhérents à de telles opérations sont : la fin du report d’imposition voire un redressement sur le fondement de l’abus de droit si l’administration fiscale parvient à démontrer que la liquidité par le bas a eu pour but principal ou exclusif de permettre au contribuable de continuer à bénéficier du report d’imposition.
En conclusion, il convient d’être très vigilant lorsque, dans une situation de report d’imposition, le contribuable opère une cession d’un actif significatif de la filiale suivie d’une distribution du produit de cession vers la holding, elle-même suivie le cas échéant d’une distribution à lui-même.
Dans ces circonstances, il est important (i) d’analyser les conséquences fiscales et économiques d’une telle opération de cession-distribution(s) pour en mesurer les risques, (ii) d’observer l’objectif recherché par cette opération (iii) et enfin d’envisager à titre préventif un réinvestissement d’une part importante du produit de cession.
KEROSE peut vous aider dans ces analyses et prises de décisions.
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[1] Art 150-0 B Ter I et III du CGI, et sous réserve également d’observer les autres conditions de ce dispositif
[2] Art 150-0 B Ter I, 2° CGI
[3] L’intention du législateur étant d’éviter une liquidité abusive par le bas