De l’entente à la mésentente entre entreprises contrevenantes : immunité et récompense dans la dénonciation des ententes illicites
A la faveur de la transposition de la nouvelle directive « ECN+ », ou “European Competition Network +”, l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, et le décret n° 2021-568 du 10 mai 2021, modifient le régime de la procédure de clémence à compter du 12 juin prochain.
Notre attention se porte spécifiquement sur les critères d’exonération de sanctions issus du nouveau régime.
En premier lieu, l’article R.464-5-1 nouveau du Code de commerce requiert une coopération renforcée de la part des entreprises contrevenantes pour bénéficier d’une exonération totale de sanctions. Du point de vue de l’attitude espérée des contrevenants par les autorités de la concurrence (ADLC et DGCCRF), il importe maintenant que les informations divulguées permettent l’organisation de visite et saisies, ou des perquisitions pour l’établissement de la pratique en cause, et non plus seulement que les informations recueillies aient été ignorées par les Autorités.
En conséquence pour bénéficier de l’exonération totale des sanctions pécuniaires, il faut bien sûr être le premier à dénoncer la pratique illicite à laquelle l’entreprise divulgatrice a participé, mais en outre il faut communiquer des éléments qui doivent permettre d’emblée d’en rapporter la preuve dans le cadre des visites et saisies.
En second point, pour les contrevenants qui seraient susceptibles d’une exonération partielle de l’amende, le nouvel article R.464-5-2 prévoit une « clémence plus », donc une réfaction supplémentaire de ses amendes, au bénéfice du contrevenant qui divulgue des éléments d’information déjà connus de l’ADLC ou de la DGCCRF, mais qui apportent une « valeur ajoutée » en plus , en ce que ces éléments permettent d’augmenter les sanctions pécuniaires à l’égard de tous les participants à l’entente illicite.
On le constate, devant les difficultés à établir la preuve d’une coordination collusive, la voie empruntée d’amélioration de la situation est celle des incitations plus fortes à la dénonciation de ses propres pratiques par les participants à une entente illicite, en passant de la stratégie de l’immunité à une stratégie de la récompense.
Cette réforme a des chances de porter ses fruits, car depuis le premier programme de clémence de 1996 réformé en 2002 en UE, culturellement les mentalités ont bien évolué. Et l’on sait que ce qui a pu forger une coordination collusive à un temps T se délite très vite compte tenu de la rapidité de l’évolution des marchés. Aussi de l’entente illicite assumée, les entreprises concernées peuvent très vite évoluer vers une divulgation toute aussi assumée, surtout si l’on est le premier à dénoncer l’entente, avec en prime l’immunité, voire la récompense.
Passer de l’immunité à la récompense, ce sont autant de dispositions qui ne peuvent qu’instiller au sein des entreprises – parties à une entente illicite – une stratégie de dénonciation qui se substitue à la stratégie du cartel.